Alors que la génomique, la médecine numérique, l'intelligence artificielle et la robotique changent la façon dont les soins de santé sont administrés à travers le monde, la nécessité de former une main-d'œuvre « numériquement native » dans le système de santé devient primordiale.
Cette nécessité a été mise en évidence dans la revue Topol 2019, qui expliquait comment le NHS (National Health System), système de santé publique au Royaume Uni, devait repenser «sa main-d’œuvre pour répondre aux exigences digitales désormais d’actualité». Cela a été souligné lors d’une conférence étudiante donnée à UCL (University College of London) par le Professeur Keith Grimes, directeur de l’innovation clinique chez Babylon Health, qui a déclaré que l’avenir de la santé passerait par la formation de « médecins aux compétences digitales» ; le moyen le plus efficace d’y parvenir étant de commencer par enseigner aux étudiants en médecine les principes de base du codage dès le début de leurs études. Cependant, parvenir à une «nativité numérique» pose problème, car les programmes en médecine sont déjà très denses et les modifier n’est pas chose facile. Pour la plupart des étudiants en médecine, développer des compétences numériques sous-entend de trouver du temps en dehors de leurs études pour apprendre et s’entrainer. Cet environnement s’avère en général moins encadré, ce qui peut conduire les élèves à perdre en motivation et à abandonner le sujet. Alors pourquoi cela en vaut-il la peine?
Les médecins doivent comprendre les technologies qu’ils manipulent
À ce jour, plus de 56% des Américains monitorent leur santé par le biais d’au moins un outil de collecte de données numériques sur la santé (enquête ResMed 2019), et cette tendance ne fait qu’accroître. Cela se traduit par une augmentation exponentielle des données médicales, et donc des entreprises, et des personnes souhaitant utiliser ces données pour développer de nouvelles applications. Ces dernières années, nous avons constaté une augmentation des technologies de recommandations d’Intelligence Artificielle (30% des plus grandes start-ups médicales de l’EMJ – European Medical Journal – se concentrent sur l’IA et le diagnostic), ce qui aide à la fois le grand public et les médecins à évaluer les états pathologiques et à les diagnostiquer. Ces technologies sont souvent assez récentes et n’ont pas encore été toujours entièrement validées. Les médecins d’aujourd’hui devront être en mesure d’évaluer de manière critique les technologies qu’ils utilisent et recommandent. De plus, les patients ont absolument besoin de sentir que leurs médecins comprennent parfaitement les technologies qu’ils manipulent. La capacité à gérer l’IA n’est possible que si les professionnels de la santé sont capables de développer une compréhension plus solide de ces technologies. Un moyen simple pour les étudiants d’acquérir une meilleure connaissance de ce domaine est de les laisser utiliser les technologies eux-mêmes de manière structurée et supervisée. Cela exigerait cependant que les étudiants apprennent à coder. L’apprentissage direct par la pratique est une méthode d’enseignement moins courante dans l’enseignement médical, mais elle est largement utilisée dans les domaines de l’informatique.
Les médecins doivent avoir un rôle central dans les applications d’intelligence artificielle liées à la santé
En outre, il est essentiel que les médecins d’aujourd’hui ne soient pas seulement des apprenants passifs des technologies numériques de la santé, mais qu’ils soient également acteurs de leur développement. La croissance et la transformation de la technologie médicale ne peuvent être exclusivement façonnées par les entreprises numériques, et plus particulièrement par les informaticiens, ou les mathématiciens, car ce ne sont pas eux qui manipuleront les produits avec les patients. Les professionnels de la santé doivent pouvoir jouer un rôle central dans les applications d’intelligence artificielle liées à la santé, en aidant tout au long du processus, depuis la conception, en passant par la construction, la formation et le test des produits développés. L’implication des médecins aux côtés des scientifiques est primordiale afin de garantir que l’IA reste bénéfique pour les patients et réponde aux principes éthiques.
Au fil des années, le rôle du médecin numérique devient progressivement de plus en plus défini dans le secteur de la santé. Ce qui paraissait autrefois innovant devient désormais quasiment la norme. Aujourd’hui, on ne peut pas concevoir la médecine et l’enseignement de la médecine sans apprendre à utiliser un stéthoscope ou à lire une radiographie. De même, à mesure que la santé numérique devient de plus en plus répandue, les chances que les médecins soient, d’une manière ou d’une autre, confrontés aux langages de codage augmentent. De la même manière que tous les médecins doivent apprendre les fondements de la cardiologie, de la neurologie et de l’orthopédie sans pour autant se spécialiser dans ce domaine pas nécessairement dans ces domaines, ils devraient donc apprendre les bases des connaissances associées à la médecine numérique.